Accusée de blasphème, une infirmière chrétienne est ligotée, torturée et enfermée dans un hôpital au Pakistan
« Heureusement, quelqu’un a appelé la police, et ils sont rapidement arrivés sur les lieux et lui ont sauvé la vie. »
Tabitha Nazir Gill est une infirmière chrétienne, mais aussi une chanteuse de Gospel au Pakistan. Cette mère de famille a été accusée jeudi de blasphème par des collègues avec qui elle travaille depuis 9 ans au Sobhraj Maternity Hospital de Karachi. Après avoir, dans un premier temps, jugé ces accusations « sans fondement », la police, sous la pression d’une “foule de mollahs et d’extrémistes”, a enregistré une plainte pour blasphème en vertu de l’article 295-C du code pénal pakistanais.
Nasir Raza, Président du Comité national pour la paix et l’harmonie interreligieuse en province du Sindh, explique à l’Agence Fides :
« Ils ont frappé Tabitha Nazir Gill depuis le matin, en affirmant qu’elle avait prononcé un blasphème contre l’islam. Tabitha Nazir Gill était liée avec des cordes, torturée et enfermée dans une pièce. A peine avons-nous appris cela, nous nous sommes immédiatement adressé aux agents de sécurité de la police pour demander une intervention dans cette affaire et protéger la chrétienne. Sur les vidéo que certaines personnes présentes nous ont transmis pour nous informer de l’affaire et demander la protection de la jeune femme, il est possible de voir des infirmières membres du personnel de l’hôpital frapper Tabitha Nazir Gil, alors qu’elle niait les faits qui lui étaient reprochés. »
Des vidéos de son agression circulent sur les réseaux sociaux.
Blasphemy accused Tabeeta Nazir Gill is beaten up by a mob of staff members at the Sobhraj Maternity hospital: pic.twitter.com/vPQHB0ONgD
— Naila Inayat (@nailainayat) January 29, 2021
Morning Star News précise qu’on a demandé à Tabitha d’avouer « son crime par écrit ». Celle-ci aurait alors répondu devant la caméra « je jure devant Dieu que je n’ai rien dit contre le prophète, ils essaient de me piéger avec une fausse accusation ».
Selon des informations portées au Pakistan Christian News, Tabitha Nazir Gill aurait été ligotée et enfermée dans une pièce. La police a ensuite été appelée.
Le pasteur Eric Sahotra s’est rendu au poste de police quand Tabitha y a été conduite. Il affirme que l’intervention rapide de la police sur place a été décisive.
« Heureusement, quelqu’un a appelé la police, et ils sont rapidement arrivés sur les lieux et lui ont sauvé la vie. »
La police a conclu dans un premier temps que les charges retenues contre Tabitha étaient sans fondement. Mais le média précise ensuite qu’après les prières du soir, le 29 janvier, « une foule de mollahs et d’extrémistes se sont rendus au poste de police ». Ces derniers auraient accusé la police d’avoir abrité un blasphémateur. À la suite de ces pressions, une plainte pour blasphème en vertu de l’article 295-C du code pénal pakistanais a été enregistrée par la police.
Des musulmans pakistanais ont condamné cette attaque et se sont levés contre cette arrestation. Dans une vidéo publiée sur Facebook, Maulana Tahir, un religieux musulman, appelle à la protection des minorités religieuses.
« C’est avec beaucoup de peine que je demande au Premier ministre Imran Khan et aux chefs d’État d’en prendre note. L’enquête policière a prouvé qu’elle n’avait pas commis de blasphème. Les visages des assaillants sont clairs dans la vidéo. Ils devraient également être punis les plus sévèrement afin qu’un fanatique violent ou religieux ne puisse pas abuser de la loi 295 pour nuire aux minorités et régler un compte personnel au nom de la religion. De nos jours, des incidents se produisent avec des filles de communautés minoritaires confrontées à des montagnes de tyrannie. Essayez de modifier cette loi. Personne ne devrait souffrir. Le Prophète Muhammad a exhorté à protéger la création pour la volonté d’Allah. Les minorités méritent des droits égaux pour vivre et adorer pacifiquement. »
Nasir Saeed, directeur de CLAAS-UK, dénonce l’utilisation « à mauvais escient » des lois sur le blasphème.
« Malheureusement, selon notre propre étude, les lois sur le blasphème continuent d’être utilisées à mauvais escient par des individus pour régler leurs comptes personnels. L’an dernier seulement, près de 60 personnes, dont neuf chrétiens et quarante-sept musulmans (40 de la communauté chiite) ont été accusées de blasphème, tandis qu’au moins trois personnes innocentes, un chrétien, un de la communauté ahmadiyya et un musulman, ont été tuées par des individus. »
Selon plusieurs sources, Tabitha serait en sécurité dans un endroit inconnu.
M.C.